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Louise Louise
21 septembre 2009

COSTUME

Madeleine Vionnet, la vie dans les plis

Madeleine Vionnet est considérée par tous les maestros de la mode comme une des plus grandes couturières françaises et comme ayant été une des plus grandes influences de la mode du XXème siècle. Elle est à l’origine de la coupe dans le biais et sa maîtrise des drapés n’a jamais été dépassée. Technicienne et innovatrice de génie elle a contribué, autant que Coco Chanel, à libérer le corps de la femme.

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Madeleine Vionnet naît le 22 juin 1876 dans une atmosphère de petite bourgeoisie provinciale. A 12 ans elle commence à travailler et à apprendre la couture. Volontaire, elle décide à 18 ans d’aller apprendre l’anglais outre manche où elle travaille comme lingère. Très vite repérée, elle est engagée dans une maison de couture londonienne Kate Reily. Là, elle assimile non seulement la technique des grands tailleurs britanniques mais découvre aussi la façon dont les œuvres peuvent être copiées plus ou moins bien sans que personne ne s'en émeuve. En 1900, fascinée par Isadora Duncan elle explore l'art du drapé qu'elle maîtrisera si bien durant tout sa vie. L’année suivante elle est engagée comme première dans une des plus célèbres maison du Paris de l'époque, aujourd'hui tombée dans l'oubli : les sœurs Callot. Elle y fait ses armes et c’est en 1906 que Jacques Doucet lui confie le soin de « rajeunir» sa maison. Mais en proposant aux mannequins de marcher pieds-nus, vêtues de robes souples qu’elles portent à même le corps sans s’appuyer sur l’incontournable carcan de rigueur qu’est le corset, elle créera plus qu'une mode : une révolution. Elle se heurte alors aux réticences de la maison et décide de voler de ses propres ailes. C’est en 1912 qu’elle ouvre sa propre maison de couture, au 222 rue de Rivoli, la Grande guerre la contraint de la fermer dès 1914. Elle ne cesse pourtant de travailler avec ses premières d’ateliers qui vendent elles-mêmes leurs modèles aux clientes. Les modèles des années 1917 à 1919 sont parmi les plus audacieux qu'elles aient construits.

A la réouverture de sa boutique, en 1918, elle impose sa modernité et connaît enfin le succès. Dans les années 1920, toute la presse spécialisée la porte aux nues. On voit ses modèles sur la Duchesse Sforza, sur Madame de Vilmorin, sur Liane de Pougy. En 1923, sa maison de couture se trouvant à l’étroit, elle aménage un hôtel particulier, situé au 50 Avenue Montaigne. Elle s’intéresse essentiellement à la création de robes du soir inspirées par les costumes de l’antiquité. Les tissus étaient en fait coupés dans tous les sens possibles, ce qui leur conférait plus ou moins de souplesse. Elle réalisait d’abord ses toiles sur un petit mannequin de bois peint puis l’envoyait dans ses ateliers avant de décider ou non de sa production en série. Elle gardera cette célèbre petite figurine dans sa chambre jusqu'à la fin de ses jours et s'en servira pour expliquer aux visiteurs curieux, les différentes étapes de son travail.

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Elle explore aussi les matériaux et les robes en mousseline de soie furent un succès constant de la maison. De 1920 à 1930, elle donnera libre cours à sa passion des fleurs à travers des jupes corolles, des amas de roses en bandeaux, en colliers, en guirlandes, toujours somptueusement parsemées sur des capes ou des cols. À la même époque, la façon dont Madeleine Vionnet va défendre la maternité de la coupe en biais reste inscrite à tout jamais dans la mémoire de la mode. Cela donne lieu à un historique procès qu’elle gagnera et à partir duquel elle mettra au point un système de copyright qui fait encore référence aujourd’hui. " Non seulement, dit elle, j'appose sur chaque modèle sorti de chez moi ma griffe et un numéro de série mais aussi mon empreinte digitale. Innovatrice sur tous les plans et soucieuse du bien-être de ses employées, Madeleine Vionnet organise ses ateliers de couture en mettant des chaises pour les ouvrières à la place des tabourets, crée un réfectoire, une crèche, et emploie un médecin et un dentiste à demeure. Elle va même leur offrir des vacances, bien avant la loi sur les congés

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Alors qu'elle est au sommet de sa gloire, le jour où commence la Seconde Guerre mondiale, elle prend sa retraite. En décembre 1940,  la maison Vionnet est mise en liquidation à l'hôtel Drouot Tout le monde est licencié. Il restait à Madeleine Vionnet plus de trente années à vivre. Elle qui avait travaillé toute sa vie comme une forcenée, partagera désormais son temps entre la culture de son jardin, l'observation de la nature et l'écriture. Son seul lien avec la couture consistera à donner des cours à l'école "de la rue Saint Roch" où se transmet toujours les bases de sa technique de coupe et la riche tradition Haute Couture. Au soir de sa vie elle écrira : " L'important c'est d'arriver à vivre et à travailler tel qu'on est, en pleine vérité, en somme à s'imposer, mais il faut qu'il y ait en soi de quoi le faire. Que de gens s'ignorent toute leur vie et courent après eux mêmes... Il faut toujours se dépasser pour s'atteindre... Toujours lutter au fond, c'est passionnant... c'est la force de résistance qui soutient le mieux. Elle seule dépend de vous." C'est pour cette force de résistance et pour tout le reste que Madeleine Vionnet reste encore et toujours un exemple pour énormément de créateurs tels qu’Azzedine Alaïa, Jean-Paul Gaultier, John Galliano ou sa plus fidèle et digne héritière Sofia Kokosalaki dont on garde tous en tête la robe de 900 m de drapés portée par Björk lors de l'ouverture des JO d'Athènes en 2004.

Valérie Bisson

Madeleine Vionnet, puriste de la mode

Jusqu’au 31 janvier 2010

Musée des Arts Décoratifs

107, rue de Rivoli

75001 PARIS

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Commentaires
P
Merci d'avoir partagé ce texte avec les autres... <br /> <br /> " L'important c'est d'arriver à vivre et à travailler tel qu'on est, en pleine vérité, en somme à s'imposer, mais il faut qu'il y ait en soi de quoi le faire. Que de gens s'ignorent toute leur vie et courent après eux mêmes... Il faut toujours se dépasser pour s'atteindre... Toujours lutter au fond, c'est passionnant... c'est la force de résistance qui soutient le mieux. Elle seule dépend de vous." <br /> <br /> Voici une bien jolie phrase qui donne bien du courage...
A
Madeleine avait une maison dans le sud de Paris , exactement dans un petit village appelé Cély en Bière , à quelques kilomètres de Barbizon . Elle y venait passer ses week end . <br /> Dans cette maison il y avait une salle réservée aux projections de films qu'elle affectionnait tant . Elle adorait également la musique et les nouveaux rythmes de jazz . <br /> Cette maison n'est pas un musée , mais une famille l'a rachetée il y a quelques années . Ah oui j'oublais sa serre accrochée au salon et qui devenait jardin d'hiver ou salle à manger pour les diners d'été ...<br /> C'est une maison articulée autour d'une petite cour pavée , couverte de vigne vierge et de glycine . Simple et étonnante ...J'ai eût la chance de la visiter ...Et je sais qu'elle était encore là trés présente dans ses murs fanés par les années ... <br /> Merci pour votre bel article .<br /> Anne Chiffon
L
Merci pour ce très beau texte, fort instructif.
L
Merci pour ce très beau texte, fort instructif.
L
Joli texte, ça donne envie d'aller à l'exposition!!
Louise Louise
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Louise Louise
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